Pierre Akendengue

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Pierre Akendengue

Le poète troubadour

A découvrir

Né en 1943, au Gabon, Pierre Akendengue est l’un des plus grands paroliers de la musique d’Afrique francophone. Il appartient à une rare lignée de poètes en roue libre. Depuis quarante-quatre ans, il a livré une œuvre qui fait date non seulement dans la musique moderne africaine, mais qui touche à l’universalité de par son intense vision artistique, la qualité des compositions, des interprétations et des musiciens rencontrés depuis toutes ces années. Gabonais ardent, Akendengue reste à jamais ce franc tireur, ce grand compositeur, ce musicien inclassable épris de liberté et de nature. Enregistré à Libreville, son nouvel EP La Couleur de l’Afrique, qui sort le 9 novembre 2018, résume en quatre chansons toute une carrière de militantisme musical. Tous les thèmes habituels d’Akendengue sont réunis dans cet opus, que ce soit la générosité, l’amour, l’écologie et le militantisme panafricain, sans oublier une écoute sensible du monde. La Couleur de l’Afrique de ma Chanson évoque un paradis évanescent, une Afrique sublimée, peut-être en train de disparaître ; quand Oparapara Para aborde le temps qui passe, la disparition des anciens, la solitude et la mort. Lettre à Laurent Gbagbo pose les questions d’une réconciliation du peuple ivoirien, et Deux Mocrates fustige tout à la fois la corruption, les scandales de santé publique, le népotisme, le contrôle des médias, tout en prônant l’écologie et le panafricanisme.

Albums

La Couleur de l’Afrique – 2018

Gabon, Eveil de la conscience patriotique (Single) – 2017

Libérée la liberté / Mvt Arusha (Single) – 2016

Destinée – 2013

Véritée d’Afrique – 2011

Gorée – 2005

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Neuza

Neuza

nous dévoile les secrets des rythmes de l’île de Fogo.

A découvrir

Sa mère, originaire de l’île de Fogo, s’est installée dans la capitale dans l’espoir d’une vie meilleure. Elle chante dans les bars du coin en échange de nourriture, de boissons et de tabac pendant que les sœurs aînées de Neuza s’occupent de la petite dans leur humble case en pierre.

Neuza n’a que 6 ans lorsque l’excès de tabac lui enlève sa maman. La gamine part vivre avec sa marraine à Fogo et le temps de finir sa scolarité, fait la navette entre les deux îles. De sa mère, elle garde dans son cœur les mélodies qu’elle lui chantait et une oreille musicale. Elle apprend rapidement les airs traditionnels de l’île au volcan que les passagers chantent pour tromper l’ennui et la peur pendant cette traversée dangereuse. Mais toute idée d’une carrière musicale est exclue : trop de mauvais souvenirs. Bien au contraire, lorsqu’elle met à son tour une petite fille au monde, Neuza opte pour une vie ordinaire avec un emploi normal.

Mais le destin est le plus fort. Elle a 24 ans, lorsqu’elle travaille dans un restaurant. Son tempérament vif et gai l’incite à chanter lorsqu’il faut préparer la salle pour le service. Ses collègues sont subjugués par la voix claire de la jeune femme. Ils l’encouragent à prendre le micro et à s’essayer devant les clients. D’abord réticente, Neuza décide de se jeter à l’eau et commence rapidement à se faire des fans parmi les clients de l’établissement.

Peu de temps après, elle est invitée par Manuel de Candinho à se produire sur la scène d’un restaurant réputé de Praia. Elle gagne son premier cachet. En un instant, sa vie bascule. Sur l’invitation d’autres artistes, elle chante dans d’autres lieux de la capitale. C’est un ami, Francisco Cruz, qui emmène José Da Silva voir chanter la jeune femme dans un bar de Praia. La voix haut perchée de la chanteuse et son répertoire de traditionnels de Fogo encore peu gravés sur disque, séduisent le producteur qui lui propose d’enregistrer pour le label Harmonia.

« Flor di Bila », qui paraît au Cap-Vert au début de l’été 2013, nous dévoile les secrets des rythmes l’île de Fogo, comme le talaia baxo, le rabolo ou le samba. Dans « Trabessado », l’un des titres forts de l’album, Neuza nous offre l’occasion de découvrir le curcutiçan, une joute vocale traditionnelle entre voix féminines et masculines où l’on manie ironie et provocation, les femmes défiant l’homme sur sa virilité. Neuza reprend cette tradition campagnarde en compagnie de Michel Montrond, auteur compositeur et chanteur, enfant du volcan également.

Albums

Culanfuntun – 2017

Flor Di Bila – 2013

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Nancy Vieira

Nancy Vieira

Son chant respire la douceur de vivre

A découvrir

Parce que ses ascendants viennent de l’île de Boa Vista, île de sables sahariens, qu’elle a grandi à Santiago l’africaine et à São Vicente la nomade, qu’elle s’est engagée dans la musique à Lisbonne, capitale du fado et de la pop, la Capverdienne Nancy Vieira brasse la lusophonie métissée, avec charme et délicatesse.

Nancy Vieira est née en 1975 à Bissau, où ses parents avaient rejoint le leader de l’indépendance du Cap-Vert et de Guinée Bissau, Amilcar Cabral, assassiné en 1973, avant que la Révolution des Œillets d’avril 1974 au Portugal n’en finisse avec le temps des colonies. Le Cap-Vert gagne son indépendance en 1975. Quatre mois après la naissance de Nancy, la famille Vieira rejoint Praia, la nouvelle capitale du Cap-Vert, sur l’île de Santiago, l’une des dix que compte l’archipel. Cette enfant de la liberté va construire une forte identité au fil d’une épopée politique et artistique : son père, musicien amateur, guitariste et violoniste, est tout d’abord ministre des transports et des communications du nouveau gouvernement. Dix ans plus tard, il revient à Mindelo, port actif et métropole de l’île de São Vicente. Il  y occupe un poste qui s’apparente à celui de gouverneur des îles du Barlavento (les îles au vent, celles du nord).

Nancy a quatorze ans lorsqu’il est nommé ambassadeur du Cap-Vert au Portugal « ce qui englobait la représentation en France, il est allé montrer ses lettres de créance au Président François Mitterrand », dit la jeune femme qui vit depuis à Lisbonne. Elle étudie à l’université de Lisbonne, la gestion et la sociologie. Un soir, elle accompagne un ami qui participe à un concours de chanson, elle fredonne, on lui demande de chanter, elle interprète Lua  Nha Testemunha, de B.Leza, et elle gagne. Le prix, c’est l’enregistrement d’un album chez Disco Norte, un label disparu depuis. Il s’appelle Nos Raça (1996). Nouvellement mère (d’une fille), Nancy fait ensuite une pause, le deuxième paraît huit ans plus tard, titré Segred (2004). Elle devient professionnelle à la publication de Lus, en 2007, puis publie sous la direction du pianiste Nando Andrade en 2011, No Amá, l’album qui la révèle au public international, et grâce auquel elle conquiert les publics mélomanes orphelins de Cesaria Evora, de Pologne en Grèce, des Pays Baltes en Italie, de Hollande à la Russie.

Le lycée de São Vicente fut, du temps de la colonisation portugaise, un creuset intellectuel, que fréquenta Amilcar Cabral, poète, auteur de quelques mornas et homme politique de premier rang. Nancy Vieira y fut élève, et ingurgita les sons que le port de Mindelo distillait : Maria Bethania, Caetano Veloso, Angela Maria (des Brésiliens), du fado, des mornas, des coladeras, de la pop anglaise, de la rumba cubaine, etc. Mindelo, c’est la terre mère de ces mélanges, et celle de Cesaria Evora (1941-2011). Herculano Vieira, le père de Nancy, avait été commandant dans la marine marchande, il avait joué avec Cesaria dans sa jeunesse, « avant la lutte », dit Nancy. « J’ai découvert cela en juin 2011, quand j’enregistrais mon album à Mindelo. C’était la première fois que j’allais voir Cesaria chez elle et elle m’a dit : comment va Herculano ? J’étais émue, il ne m’avait jamais rien dit ». On peut difficilement parler de filiation avec Cesaria Evora, mais plutôt de concordance de répertoire, et de rencontres musicales. L’interprétation diffère, droite, limpide, la voix de Nancy Vieira s’écarte de la chaleur moite de celle de la « Diva aux pieds nus ». La personnalité, les origines sociales, le chemin de vie, ont peu en commun. Ce qui les relie, ce sont ces affinités secrètes des Cap-Verdiens avec leur musique, frontière de l’Occident et de l’Afrique, musique de voyages transocéaniques et de créolité.

Albums

Manha Florida – 2018

No Ama – 2012

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Boulpik

Boulpik

Les troubadours Haïtiens

A découvrir

« Chèche lavi » (chercher la vie) : en résumant en deux seuls mots la périphrase « chercher les moyens de gagner sa vie », le créole haïtien pourrait laisser entendre que la vie n’est pas donnée d’avance, voire qu’il faudrait la chercher, comme on partirait en quête d’un objet perdu ou d’un trésor enfoui. De fait, Franckel Sifranc et ses compagnons musiciens de Boulpik, sont des chercheurs de vie. Aucun fait extraordinaire ne marque leur parcours, en cela semblable à celui de millions d’Haïtiens, si ce n’est que leurs atouts sont musicaux.

Albums

Konpa Lakay – 2014

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Djeneba & Fousco

Djeneba & Fousco

Branchés sur l’Afrique électrique

A découvrir

Djénéba : une des voix les plus fascinantes du Mali d’aujourd’hui. Ce visage juvénile  masque à peine son impressionnante maîtrise de la science des Djelis, les Kouyaté, descendus tout droit de Balla Fasséké Kouyaté, premier griot de l’empereur Soundiata Keita. Son art de l’improvisation et de la louange ont charmés le Mali lors du fameux télé crochet national «Tounkagouna» qu’elle remporta haut la main en 2010.

Fousco : guitare à la main, il rejoint la lignée des grands faiseurs de chansons de la région de Kayes tel Habid Koité, Karkar ou Boubacar Traoré. A l’ombre de ces géants, il a rencontré Djénéba après lui avoir succédé au palmarès de «Tounkagouna». Voix affirmée et timbre mandingue assumé, il sait déjà conjuguer douceur et blues, mélodie et groove,  dans ses compositions.

Ils sont à la ville comme à la scène Djénéba et Fousco. Ils représentent l’Afrique d’aujourd’hui, urbaine, entre son attachement à son histoire et la furieuse envie de croire en l’avenir. Loin des clichés habituels sur les musiques africaines, Djénéba et Fousco  sont branchés sur l’Afrique électrique, transformant allégrement  des mélodies inspirées de la tradition griottique en chansons aux gimmicks terriblement actuels.

Albums

Kayeba Khasso – 2018

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Bonga

Bonga

Figure de proue de la musique angolaise

A découvrir

Figure de proue de la musique angolaise, Bonga tutoie les étoiles et a donné tout son sens à la notion, aussi plurielle soit-elle, d’africanité. De Luanda à Rotterdam, de Paris à Lisbonne et partout ailleurs, Bonga appartient à une caste de chanteurs africains ayant sublimé leurs racines. Immédiatement identifiable, grâce à une voix râpeuse et puissante, il saisit l’auditeur d’un bout à l’autre de l’écoute de n’importe lequel de ses albums.

​​Ses talents d’athlète lui valent d’aller au Portugal au milieu des années 1960, où il devient ironiquement champion national du 400m sous son nom de naissance, alors qu’il s’engage en parallèle dans le Mouvement Populaire pour la Libération de l’Angola ! Lorsque le régime salazariste s’aperçoit de sa duplicité, il a juste le temps de s’exiler à Rotterdam, aux Pays-Bas.

En 1972, il y enregistre un premier album sobrement intitulé « Angola 72 », aux accents déchirants, avec des musiciens capverdiens pour le label hollandais Morabeza (aujourd’hui disponible chez Lusafrica). Ce disque fondamental devient rapidement une sorte de bande-son de la lutte d’indépendance angolaise, avec comme morceau phare l’emblématique « Mona Ki Ngi Xica », un lamento à la profondeur atlantique insondable.

Ses semelles de vent le poussent ensuite à Paris, où il enregistre un deuxième album tout aussi important que le premier, « Angola 74 », où l’on retrouve notamment une version magnifique de « Sodade », que popularisera Ce​saria Evora près de vingt ans plus tard. Salazar déchu et l’Angola devenu indépendant, Bonga retourne ensuite vivre entre Lisbonne et Luanda, où il remporte de nombreux succès, tout en refusant d’endosser le costume de Julio Iglesias lusophone que certains producteurs auraient voulu lui voir endosser.

Il faut attendre l’année 2000 pour qu’il signe sur Lusafrica, publiant dans la foulée l’irrésistible « Mulemba Xangola », chanté en duo avec Lura. Ce titre évoque des thèmes universels à l’actualité troublante. D’une certaine manière, ce disque aux accents de réconciliation nationale marque la fin du conflit angolais. Tout aussi cosmopolites, dansants et porteurs d’une revendication identitaire forte, les albums « Kaxexe » en 2003, « Maiorais » en 2005 et « Bairro » en 2008 parachèvent la légende d’un chanteur en mouvement permanent.

A l’image de sa présence scénique, on ne peut pas arrêter Bonga lorsqu’il parle de son pays, des étoiles dans les yeux et des trémolos dans sa voix, chaude et rauque. Il habite pourtant entre Lisbonne et Paris depuis une trentaine d’années. Son parcours personnel n’en demeure pas moins redoutablement cohérent : « J’ai commencé ma carrière dans la contestation. J’ai d’abord critiqué les Portugais, puis les miens. Le peuple a perdu au final. L’Angola possède des richesses incroyables. On aspire aujourd’hui à être heureux. Je ne veux pas faire de politique. Je suis trop vrai dans ce que j’exprime. Je ne suis pas le genre de personne à attendre que la liberté s’annonce ».

L’année 2009 voit la parution de l’album « Best of Bonga », rassemblant ses classiques et aussi des titres rares « Agua Rara », « De Maos A Abanar », inédit « Dikanga », ou remixé « Kapakiao ». Cette compilation de dix-huit morceaux illustre le testament d’un homme libre et d’un chanteur immense. Déjouant les frontières géographiques et musicales, avec un chant et des compositions qui parlent au plus grand nombre, Bonga est le chantre d’une africanité sublimée, la voix d’un Angola moderne et apaisé.

Puis en 2012, c’est le tour de « Hora Kota » (l’heure des sages). Bonga publie son trentième album (le cinquième disque en studio chez Lusafrica), avec onze nouvelles chansons impeccables pour dresser l’état du pays, cet Angola qui l’a vu naître, qu’il a retrouvé après en avoir été longtemps éloigné. Bonga est un homme carré, il a les épaules larges. Il sait s’arc-bouter dans la résistance. La Hollande, Paris, la Belgique, Lisbonne… Bonga vit partout. Et partout, on le reconnaît à son supplément d’âme. « Hora Kota » n’est pas fait pour les « doutores », ces notables à qui le peuple soumis a donné uniformément le nom de « docteur ». Il est fait pour soulager les bleus à l’âme.

​A l’heure où certains prennent une retraite bien méritée, Bonga est réclamé de toutes parts : l’éternel chanteur rebelle Bernard Lavilliers reprends en français « Mona Ki Ngi Xica » en duo avec lui . La jeune génération africaine se réclame de lui, comme Gaël Faye ou Lexxus Legal. Au Portugal, Ana Moura le demande pour un hommage à Amália Rodrigues.

Avec son album « Recados de Fora » (Messages d’ailleurs) Bonga, raconte un parcours fascinant à travers plusieurs époques et plusieurs continents, et toujours avec l’océan Atlantique en fil d’Ariane. Le chanteur, auteur et compositeur, revient pêle-mêle sur sa jeunesse, sa prise de conscience aigüe à l’égard de la colonisation portugaise, son initiation à la musique par son père, son amour pour le semba symbole de l’identité nationale angolaise, et dont le kizomba, cette musique prisée par les jeunes générations n’est qu’une version modernisée. Car s’il est l’un des derniers géants de la musique africaine post-coloniale, on peut dire que Bonga incarne le semba. A l’image de la chanson « Tonokenu » dans la pure tradition de ses racines.

Albums

Kintal da Banda – 2022

Banza Rémy (Bonga meets Batida) – 2018

Recados de Fora – 2016

Hora Kota – 2011

Best Of – 2009

Bairro – 2011

Maiorais – 2005

Live – 2004

Kaxexe – 2003

Mulemba Xangola – 2000

Angola 72/74 (2012 re-issue)

Angola 72 – LP (2018 re-issue)

Angola 74 – LP (2018 re-issue)

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Teofilo Chantre

teofiloca,nva

Teofilo Chantre

Un swing solaire

A découvrir

On a souvent pu lire, à propos de Teofilo Chantre, qu’il était « apparu dans l’ombre de Cesaria Evora » avant de s’imposer avec ses propres disques. L’expression mérite d’être corrigée. Car, s’agissant d’un art aussi lumineux que celui de la grande dame du Cap-Vert, on a du mal à imaginer qu’il puisse répandre autre chose que de la lumière. D’autant que le nom de Teofilo Chantre fut très vite repéré par les amateurs sur les disques de Cesaria, de « Miss Perfumado » où il signait déjà trois titres, à « São Vicente di longe », où il lui offrit pas moins de cinq chansons. Teofilo signa aussi pour elle le texte d’Ausencia, sur une musique de Goran Bregovic pour la B.O. du film Underground d’Emir Kusturica.

Depuis 1993, six albums sous son nom) lui ont valu une notoriété grandissante. C’est qu’il y a un « style » Teofilo, que la seule « authenticité » capverdienne ne suffit pas à résumer. Teofilo Chantre, en effet, vit en France depuis plus de vingt-cinq ans et la diversité de ses goûts musicaux — de la Bossa Nova aux boléros classiques des caraïbes hispanophones — lui ont forgé une écoute et un cœur ouverts aux plus vastes horizons. Toutes ses influences ont merveilleusement décanté dans une écriture où l’évidence mélodique (ses refrains paraissent souvent immédiatement familiers) ne le cède en rien à une très grande sophistication harmonique : soudain, telle modulation, tel passage dans une tonalité éloignée, créent d’heureuses surprises. Et si la « sodade » — cette mélancolie insulaire propre au Cap-Vert — baigne la plupart de ses compositions, le swing élégant de ses coladeras rappelle que la danse reste l’un des meilleurs antidotes au vague-à-l’âme.
En 2004, l’album « Azulando » — qu’on pourrait traduire par « bleuïssant » — décline aujourd’hui une riche palette de nuances, de l’indigo à l’outremer. « Pour moi, le bleu est intimement lié à la sodade, explique Teofilo. Mais ce n’est pas vraiment un « concept » ou quelque chose comme ça. Certaines chansons de ce disque ont été écrites il y a quinze ans ; je me contente de suivre mon chemin ». Fidèle à l’équipe musicale qui le suit depuis plusieurs années au disque comme à la scène (Jacky Fourniret, accordéon ; Fabrice Thompson, batterie et percussions ; Sébastien Gastine, contrebasse et basse électrique ; Kim Dan Le Oc Mach, violon), Teofilo Chantre est également accompagné de nombreux invités, dont Cesaria Evora (présente sur Mãe pa fidje) et Bonga, la grande voix angolaise (Canta Cabo Verde). Au détour d’un titre — Des Bleuets dans les blés, cosigné par Marc Estève, le complice d’Art Mengo — Teofilo prouve sans effort que la langue de Molière s’adapte parfaitement à sa voix de brume marine… Les textes témoignent comme toujours d’une attention aux humbles et aux déclassés, privilégiant une tendresse feutrée aux manifestes bruyants. Certains sont signés Vitorino Chantre, père du chanteur : « Il m’a toujours encouragé, précise-t-il ; c’était une forme d’hommage de lui demander des textes. »
En 2007, paraît l’album « Viaja ». On y découvre un timbre chaleureux, un jeu de guitare fluide, des compositions intimistes. La manière de faire brésilienne déjà présente dans ses précédents albums, se retrouve souvent dans « Viajà », comme si Teofilo inventait la bossa nova capverdienne, un léger jazz créole. Il suffit d’écouter son sublime duo Segunda Geração avec sa compatriote Mayra Andrade, elle aussi amoureuse de la mélodie brésilienne. D’autres chansons, la tendre et désabusée Chelicha (caprice), la fraternelle Appel pa tude Naçon (appel à toutes les nations), le regret Tchoro di Guiné (la complainte de la Guinée), le départ et la méditation avec Bô Viaja (ton voyage) ou l’amour déçu de Dérobade sont co-signés avec Vitorino Chantre.
« Viajà » a été enregistré en partie à Mindelo avec la complicité du grand Bau, l’un des meilleurs musiciens du Cap-Vert, et de Hernani Almeida, le jeune guitariste qui monte. Une première pour Teofilo Chantre qui a chanté dans une ambiance particulière :« Nous prenions notre temps. Manger dans la convivialité avant d’enregistrer. C’était parfois magique, à l’exemple de la voix que j’ai sur le morceau Bô Viaja et que j’ai gardée. Je ne pourrai jamais la refaire à Paris ».

Teofilo Chantre parvient à donner une forme musicale à la célèbre formule du grand Miguel Torga : « L’universel, c’est le local moins les murs »•

Albums

Rodatempo / Viajá – 2018

MeStissage – 2011

Viajá – 2007

Azulando – 2004

Live … – 2002

Rodatempo – 2000

Di Alma – 1997

Terra & Cretcheu – 1997

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Lucibela

Lucibela

« Ce que je veux, c´est continuer le travail que Cesaria a commencé. Je veux chanter les genres musicaux cap-verdiens comme la morna et la coladera un peu partout dans le monde »

A découvrir

Lucibela est née le 18 avril 1986, à Tarrafal sur l’île de São Nicolau au Cap-Vert. Dès son plus jeune âge, elle montre un intérêt pour le chant. Lorsque sa famille déménage à Mindelo, sur l’île de São Vicente, elle y trouve un environnement favorable pour développer son engouement précoce et, lorsqu’elle poursuit ses études au lycée, c’est tout naturellement qu’elle rejoint le groupe local Mindel Som.

Quelques années plus tard, elle fait ses premières armes en tant que chanteuse dans les hôtels de Santa Maria sur l’île de Sal et de Sal Rei sur l’île de Boa Vista. Elle y affine sa technique et rencontre immédiatement le succès auprès des touristes en interprétant le répertoire des plus grandes voix capverdiennes, Cesaria Evora, Titina ou encore Bana.

En 2012, la jeune femme élit domicile à Praia, devenant la coqueluche des soirées musicales de la capitale. Elle y rencontre différents musiciens, dont le guitariste Kaku Alves qui a accompagné Cesaria pendant une quinzaine d’années aux quatre coins du monde.

En 2016, Lucibela fait ses premiers pas à Lisbonne. Certains journalistes la comparent déjà à Cesaria Evora. « Cesaria est unique et il n’y aura jamais une autre Cesaria », tempère humblement la chanteuse. « Ce que je veux, c´est continuer le travail que Cesaria a commencé. Je veux chanter les genres musicaux cap-verdiens comme la morna et la coladera un peu partout dans le monde », confie-t-elle, « mais je veux y arriver avec mon propre talent ». Sélectionnée pour participer à l’Atlantic Music Expo, un grand marché de la musique qui permet à des musiciens et des producteurs venus du monde entier de se retrouver au milieu de l’Atlantique, à Praia – véritable carrefour des musiques du monde, Lucibela crée la surprise de l’édition 2017. Si le public local a déjà adopté la chanteuse depuis quelques années qu’elle hante les bars et les clubs de Praia, elle est une véritable révélation pour les professionnels, journalistes comme organisateurs de spectacle. Suite de ce joli succès, Lucibela participe au Sfinks Festival en Belgique puis, en octobre et novembre 2017, enregistre son premier album à Lisbonne avec Toy Vieira à la réalisation, l’un des plus fameux musiciens capverdiens de la scène Lisboète, qui a accompagné les plus grands, Bana, Titina, Tito Paris, Cesaria Evora, Lura et bien d’autres.

Avec l’album intitulé Laço Umbilical (Cordon Ombilical) qui paru en février 2018, la chanteuse est bien décidée à partir à la conquête des scènes du monde. En 2019, une version bonus de cet album paraît, avec un titre inédit et deux featuring : avec Bonga et Sofiane Saidi.

Lucibela était sûre que la Femme serait le sujet principal de son nouvel album. Avec Amdjer sorti le 3 juin 2022, Lucibela rend hommage à la femme cap-verdienne, mais aussi à la femme en général.

Albums

Amdjer – 2022

Laço Umbilical (Bonus Version) – 2019

Laço Umbilical – 2018

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Elida Almeida

Elida Almeida

L’égérie de la nouvelle génération musicale du Cap-Vert

A découvrir

Prix Découvertes RFI en 2015, la jeune fille, qui est née dans l’île de Santiago, a travaillé sa technique vocale dans la simplicité des chants d’église. Elle a affiné sa culture musicale en proposant un programme sur la radio locale de Maio, où elle a grandi après la mort de son père, soutenant sa mère, marchande ambulante. Tenace, partisane farouche du droit à l’éducation, Elida a quitté le monde rural pour composer des chansons amoureuses et concernées. D’emblée, sa fraîcheur et sa voix chaude ont plu – l’une de ses premières œuvres (Nta Konsigui) figura d’emblée au générique du célèbre feuilleton télévisé portugais A Unica Mulher. S’il existe un « berceau d’or », il ne lui fut pas donné à la naissance : Elida Almeida le tisse avec une gracieuse obstination.

Elida séduit dès son premier album et sa chanson Nta Konsigui (2,7 millions de vues sur YouTube), avec à sa voix chaude et suave à la fois, capable d’exulter avec puissance. Elle s’impose sur les scènes des musiques du monde d’Europe, d’Afrique et d’Amérique du Nord.

Dans son second album, Kebrada du nom du village où elle a passé son enfance, elle affirme son identité africaine, assaisonnant d’énergie latine les rythmes capverdiens batuque, funaná, coladera ou tabanka.

Après s’être dressée en égérie d’une nouvelle génération dans son précédent disque (Gerasonobu) il y a deux ans, la fougueuse et soyeuse Elida Almeida, aux compositions délicieusement suaves, se rêve, modestement, en haut-parleur, en porte-parole de son « petit pays » : le Cap-Vert.

Huit ans après ses débuts en 2014, Elida Almeida mesure le chemin parcouru. Ainsi nomme-t-elle son 5ème disque Di Lonji, « De loin ». « Je viens de très loin, confirme-t-elle. D’un pays qui, il y a quelques décennies encore, n’était même pas inscrit sur la mappemonde… Surtout, je viens de l’intérieur de l’île de Santiago, d’une campagne si profonde, si reculée, que la plupart de ses habitants ne la quittent jamais. Moi j’ai visité 50 pays, gagné de
nombreux prix, diffusé mes créations sur les quatre continents… »
 Une destinée hors-norme, due à son talent et à sa ténacité. Ce parcours
exceptionnel – Elida en est persuadée – elle le doit à des racines solides, à ses figures tutélaires qu’elle honore, avec une tendresse infinie, sur ce disque, collier de perles intimes finement ouvragées.

Découvrez son nouvel album Di Lonji le 27 janvier 2023.

Albums

Gerasonobu – 6 novembre 2020

Nada Ka Muda (single) – 2020

Ta Due with Roberta Campos (single) – 2019

Homi Nha Amiga feat Elji Beatzkilla (single) – 2019

Anu Nobu (single) – 2019

Sou Free – feat Flavia Coelho -Mo Laudi Remix (single) – 2018

Kebrada – 2017

E Zonban (single) – 2017

Djunta Kudjer (EP) 2017

Ora Doci Ora Margos- 2014

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Boubacar Traoré

Boubacar Traoré

Aucune autre voix que celle de « Kar Kar » ne mêle avec une authenticité aussi émouvante les limons du fleuve Niger à ceux du Mississipi.

A découvrir

Boubacar Traoré porte en lui toutes les beautés du blues africain. Parmi les trésors de la musique mandingue, ce diamant possède l’éclat noir d’une exceptionnelle pureté. Aucune autre voix que celle de « Kar Kar » – celui qui sait dribbler, surnom donné par ses amis, amateurs comme lui de football – ne mêle avec une authenticité aussi émouvante les limons du fleuve Niger à ceux du Mississipi. Son jeu de guitare autodidacte, unique, inimitable, doit beaucoup à la kora dont il s’est inspiré. Mais on y trouve des couleurs et un phrasé qui rappellent ceux des grands bluesmen noirs américains du Sud profond : Blind Willie McTell, Robert Johnson, Muddy Waters…

A 20 ans, dans les années 60 marquées par l’euphorie des Indépendances, Boubacar Traoré était le Chuck Berry, l’Elvis Presley malien. Le premier, bien avant son cadet Ali Farka Touré, à jouer une musique d’inspiration mandingue avec une guitare électrique. A cette époque, les maliens se réveillaient au son de la voix mélancolique et de la guitare saturée de Boubacar. Des tubes comme « Mali Twist » (« Enfants du Mali indépendant prenons-nous en charge / Que tous les jeunes reviennent au  pays / Ensemble édifions la patrie »), et  « Kayeba » ont fait danser une génération qui découvrait la liberté. Passé la fête et l’illusion lyrique, le 19 novembre 1968 un vent aigre s’abat sur le Mali; le régime socialiste de Modibo Keita est balayé par un coup d’Etat militaire. Kar Kar et ses chansons disparaissent des ondes. Revenu sans un sou dans sa ville natale, Kayes en pays Kassonké au nord-ouest de Bamako près de la frontière avec le Sénégal, Boubacar devient travailleur agricole, ouvre une boutique avec son frère aîné – celui qui lui a fait découvrir et offert sa première guitare – travaille pour nourrir sa famille.

Il est redécouvert en 1987 par des journalistes de la télévision nationale de passage à Kayes. « Kar, il faut venir à Bamako. Depuis que la télévision existe, on ne t’a jamais vu. Il faut que tout le monde sache que tu n’es pas mort, que tu vis »… C’est comme une deuxième naissance de l’artiste : « Les gens étaient étonnés de me voir. Pour la plupart, ils ne m’avaient entendu qu’à la radio », déclare-t-il alors. Mais le destin vient briser la renaissance de Kar Kar à la musique. Pierrette, la belle métisse, sa femme, sa muse, son amour meurt en mettant au monde leur dernier enfant. Désespéré, anéanti, Kar Kar redevient une ombre. C’est à ce moment qu’il décide de chercher du travail à Paris où il rejoint les nombreux travailleurs émigrés maliens dont il partage la dure vie. « J’ai fait deux ans de travail dans le bâtiment ». Il ne livrera rien d’autre sur cette expérience, mais dit tout autour d’une chanson : « Tu peux être un roi chez toi, mais dès que tu es un émigré tu es n’importe qui ». De Barbès et du foyer de Montreuil, où il se produit un peu, il garde pour mémoire cette casquette plate qui couronne désormais sa haute silhouette.

C’est à ce moment qu’un producteur anglais le retrouve et lui fait enregistrer son premier album « Mariama » en 1990. Déchirante, dépouillée, mélancolique, la musique de Kar Kar n’est plus celle du jeune homme des années 60. Elle s’est épurée et est devenue l’expression d’un homme mûr qui y exprime ses douleurs et ses joies, toujours avec cette voix au timbre si particulier, nimbée de nostalgie et de poésie. Après ce disque, tout s’emballe. Boubacar Traoré enregistre 6 albums « Sécheresse » (1992),  « Les enfants de Pierrette » (1995), « Sa Golo » (1996), « Maciré » (1999), « Je chanterai pour toi » (2002), musique du film éponyme de Jacques Sarasin et « Kongo Magni » (2005). Kar Kar rattrape le temps perdu et conquiert les scènes d’Europe puis des Etats-Unis et du Canada…

Lorsque Lusafrica rachète en 2010 le label Marabi, c’est naturellement que José da Silva propose à Boubacar de rejoindre le catalogue de Cesaria Evora et de Bonga. Publié en 2011, « Mali Denhou » est le premier album du Malien depuis 2005. Réalisé en juin 2010 au Studio Moffou à Bamako, son casting musical est celui avec lequel Kar Kar se produit dans le monde depuis plusieurs années. C’est avec son vieux complice Madieye Niang à la calebasse et Vincent Bucher à l’harmonica que les premières prises se sont déroulées, dans les conditions du live.

L’album suivant, “Mbalimaou” (2015) est enregistré au studio Bogolan de Bamako.  Comme à chaque nouvel enregistrement, il a choisi d’intégrer de nouvelles couleurs à ses compositions, sans renier ce qui fait son style. Accompagné par des percussions discrètes – le jeune Babah Koné précis et régulier à la calebasse, Yacouba Sissoko au karignan, shaker et petites percussions traditionnelles, Vincent Bucher à l’harmonica et par Fabrice Thompson  batteur et percussionniste de la Guyane qui enrobe d’épices et de rythmes inédits des titres comme “Hona”, “Mbalimaou”, “Kolo Tigi”, “Saya Temokoto” et “Africa”. Boubacar laisse glisser sa guitare et pose sa voix inimitable en toute simplicité sur ses nouvelles chansons composées entre ses travaux des champs et ses tournées internationales. Ballaké Sissoko, avec lequel il a déjà collaboré, a contribué à la production artistique de l’album et s’est fondu dans la musique de son aîné avec aisance et facilité. Sa générosité, son ouverture d’esprit, son écoute ont contribué à installer une ambiance décontractée et sereine lors de cette session. Son jeu de kora subtil et élégant se marie avec celui, fluide et minimaliste du guitariste.

C’est aux Etats-Unis, précisément à Lafayette en Louisiane, que Boubacar Traoré a souhaité enregistrer son troisième album pour le label Lusafrica. L’idée du guitariste était d’explorer de nouvelles pistes, de changer les couleurs de ses chansons (des anciennes comme “Dounia Tabolo” ou “Kanou”, ou des nouvelles, “Ben de Kadi” ou “Mousso”) tout en gardant leur cachet original. C’est donc avec des musiciens du Sud des Etats-Unis croisés lors de ses tournées, Cedric Watson au violon et au washboard et Corey Harris à la guitare, qu’il entreprend l’enregistrement de “Dounia Tabolo” fin 2016. Et lorsqu’il leur a fait part de son désir d’ajouter un violoncelle et une voix féminine sur l’album, c’est Cedric Watson qui lui a suggéré Leyla McCalla. Cet enregistrement est un nouveau jalon dans le parcours d’un artiste rare et secret. Entre blues et folk, musiques cajun et zydeco, ses nouveaux compagnons de route apportent une touche de folie et de swing pour Cedric Watson, la profondeur du blues pour Corey Harris et une élégance discrète pour Leyla McCalla. Plus que jamais, Boubacar Traoré s’affirme comme le lien vivant et vif qui relie encore et toujours Mali et Mississippi.

Au Mali Boubacar Traoré est respecté et reconnu, surtout par les jeunes qui redécouvrent l’un des pères fondateurs de la musique moderne mandingue, dont il est un des grands ambassadeurs. Quand il rentre de ses tournées internationales, Kar Kar rejoint la concession qu’il a achetée sur une colline de Bamako où il élève des moutons et cultive un potager dont il est très fier. « Au Mali tout le monde est agriculteur, c’est le plus sûr moyen pour vivre ».

Albums

M’Badehou (FNX Omar & Cee ElAssaad Remix) – 2018

Dounia Tabolo – 2017

Mbalimaou – 2015

Mali Denhou- 2011

Kongo Magni – 2005

Je Chanterai pour Toi – 2002

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